– L’Algérie célèbre, ce premier novembre, le 68e anniversaire du déclenchement de sa guerre de libération qui intervient dans un contexte de réchauffement de ses relations avec l’ancienne puissance coloniale.
AA/Alger/Aksil Ouali
L’Algérie célébrera, en ce 1er novembre, le 68e anniversaire du déclenchement de la guerre de libération qui a mis fin à 130 ans de colonialisme français. Contrairement à l’année 2021 où les relations entre les deux pays étaient traversées par une grave crise diplomatique, l’évènement intervient, cette fois, dans un tout autre contexte. Les deux pays ont inauguré, notamment depuis la visite du Président français Emmanuel Macron en Algérie, une nouvelle ère.
En concluant leur accord de « partenariat renouvelé », les dirigeants des deux pays ont affiché leur volonté d’évacuer les sujets qui fâchent, notamment celui relatif au lourd contentieux mémoriel. En décidant de confier la question à une commission d’historiens, les Présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron semblent vouloir offrir à leur nouveau rapprochement toutes les chances de durer dans le temps.
Cette stratégie est-elle payante ? Ce réchauffement est-il durable ou sera-t-il tout simplement éphémère comme les précédents ? Sur ces questions, les spécialistes et les observateurs en Algérie et en France sont divisés. Certains voient une lune de miel de courte durée entre les deux pays, alors que d’autres pensent que « c’est parti pour durer ».
– Relations en dents de scie
Interrogé par l’Agence Anadolu, le politologue algérien, Rachid Tlemçani, relève la nature des relations entre l’Algérie et la France, qui évoluent en dents de scie et au gré des humeurs des dirigeants des deux pays. Pour lui, « le nouveau rapprochement entre l’Algérie et la France est conjoncturel ». « De par la nature compliquée et complexe des relations entre les deux pays, le récent rapprochement, comme les précédents, n’est pas fait pour durer. (…) Les relations entre les deux pays ont toujours évolué en dents de scie. Le contentieux historique n’est pas complètement dissipé, et ne le sera pas de sitôt », explique-t-il.
Détaillant son analyse, Rachid Tlemçani rappelle que la question mémorielle est un « instrument de chantage » utilisé par les deux parties. « Il (le contentieux historique) est utilisé de part et d’autre de la Méditerranée comme une valeur d’échange et comme un instrument de chantage. L’accès aux archives n’est pas entièrement libre. Les deux gouvernements ont décidé de mettre en place, lors de la visite du Président Macron, une commission faite « d’historiens maison’’, par conséquent ils ne seront pas indépendants … », soutient-il.
Pour notre interlocuteur, le conflit de générations est toujours de mise et il risque de compliquer toujours « la normalisation des relations entre les deux pays ». « Si c’est la jeune génération, la postcoloniale, qui est aux commandes en France, ce n’est pas le cas en Algérie », indique-t-il, précisant qu’à présent, ce sont « les facteurs d’ordre commercial qui priment sur les facteurs d’ordre idéologique et historique ».
-« C’est du sérieux cette fois-ci »
Pour sa part, l’enseignant en sciences politiques à l’université d’Alger, Mohamed Hennad, avance une toute autre lecture. « La densité des dernières rencontres entre les hauts responsables des deux pays laisse à penser que c’est vraiment du sérieux cette fois-ci. Mais cela n’empêche pas le fait que les rapports entre les deux partenaires seront toujours problématiques, et ce malgré leur caractère durable », affirme-t-il, dans une déclaration à l’Agence Anadolu.
Selon lui, cette lecture s’explique « par des raisons liées à l’histoire et à la mémoire, mais aussi à l’imbrication, presque mécanique, entre les deux sociétés à cause d’une forte présence d’immigrés algériens en France, y compris beaucoup de clandestins ».
« Les rapports entre l’Algérie et la France ont, donc, ceci de particulier : ce ne sont pas des rapports entre deux États seulement, mais aussi entre deux sociétés si bien que la France est le premier pays étranger que visitent les Algériens dont beaucoup sont des binationaux. Les Algériens représentent aussi la majorité des étrangers en France », explique-t-il.
Dans cet ordre d’idées, Hasni Abidi, politologue algéro-suisse, spécialiste du monde arabe, développe un autre élément qui laisse penser que le nouveau rapprochement est parti pour durer. Dans une déclaration à la presse française, à la veille de la visite d’Emmanuel Macron en Algérie, il explique que le chef de l’Etat français a pris le temps pour comprendre la nature des relations entre les deux pays.
« Cette première visite (une visite intervenue en août dernier) du second quinquennat est importante dans la politique française et elle représente une véritable opportunité, à la fois pour la France et pour l’Algérie. Emmanuel Macron a eu le temps de réviser et de retenir les leçons sur les limites de sa gestion du dossier algérien lors de son premier mandat. Ce dernier s’est terminé par une brouille entre Alger et Paris après les déclarations malheureuses du Président français », souligne-t-il.
L’Algérie et la France ont développé, durant les 20 dernières années, une relation meublée, à la fois, d’entente et d’embrouille. Au début des années 2000, les anciens présidents, Jacques Chirac et Abdelaziz Bouteflika, deux hommes ayant vécu la période de la guerre d’Algérie, étaient sur le point de signer un traité d’amitié. Mais une loi louant les « bienfaits du colonialisme », votée par le Parlement français en février 2004, a provoqué l’annulation de cette initiative.
Il a fallu attendre l’arrivée à la tête de l’Etat français de François Hollande pour voir les deux pays connaître un nouveau rapprochement. La crise resurgit vers la fin du premier mandat d’Emmanuel Macron, dont les propos sur l’Algérie et le régime algérien, tenus en octobre 2021, ont suscité une vive colère à Alger.