
Un sportif incroyable a failli tomber dans les oubliettes de l’Histoire. On vous le présente !
Rares sont les champions comme Boughéra El Ouafi qui sont passés aussi près de l’oubli. L’homme a été tellement oublié qu’aujourd’hui encore, on doute de l’ordre exact de son nom et de son prénom. Est-ce Boughéra El Ouafi ou El Ouafi Boughéra ?
Selon toute vraisemblance, El Ouafi (ou plutôt Louafi) était son prénom et Boughéra son nom de famille. Cela dit, on retrouve plus souvent l’ordre inverse dans les palmarès sportifs. Il faut préciser ici que tout cela date d’il y a plus de cent ans.
Incorporé au sein de l’armée française
À l’époque, l’Algérie était française et les fonctionnaires des colonies recensaient souvent les noms des indigènes de façon seulement phonétique. Nous sommes en 1918, le jeune El Ouafi est incorporé dans l’armée française en même temps que 170 000 autres tirailleurs venus des colonies. Il n’a pas connu le front, semble-t-il, la fin de la guerre ayant devancé sa venue en Europe. Il restera cependant caserné dans la Ruhr, au sein des forces dites « de dissuasion » car, à l’époque, les états-majors avaient très peur d’une « reprise de feu » disaient-ils. C’est-à-dire un redémarrage des combats.
Plusieurs dizaines de milliers de soldats sont donc restés mobilisés pendant des mois après l’armistice et s’ennuyaient formidablement ! Pour briser la monotonie des journées, on organisait des petites compétitions sportives à leur attention. C’est là qu’El Ouafi s’est découvert des dispositions athlétiques stupéfiantes. Il était capable de courir sans fatigue pendant des heures, surpassant de très loin les capacités d’endurance de tous les autres.
Un champion né
La suite ? Le petit tirailleur algérien devient un formidable champion de course à pied. El Ouafi gagne deux fois le championnat de France de marathon et, surtout, il remporte la médaille d’or des Jeux olympiques d’Amsterdam en 1928. La consécration ! Après cette victoire, il connaîtra un court moment de gloire. Lors d’un voyage aux États-Unis, il côtoie des stars comme Charlie Chaplin, Johnny Weissmüller (Tarzan), Maurice Chevalier ou encore Mistinguett. Puis tout bascule tristement. À son retour en France, El Ouafi est exclu du sport pour cause de professionnalisme et sombre dans la misère et l’oubli. La victoire d’El Ouafi dans le marathon olympique des Jeux d’Amsterdam en 1928 reste donc bien le point d’orgue de sa carrière.
Une mort étrange
El Ouafi Boughéra est mort le 18 octobre 1959 dans des circonstances qui n’ont toujours pas été élucidées, 62 ans plus tard ! À l’époque, il est âgé de 60 ans et vit pauvrement à Saint-Denis près de Paris, dans une pièce au-dessus d’un café qui appartient à son beau-frère. Il ne sort jamais pour ne pas inspirer la pitié. Il ne lui reste rien de sa gloire passée lorsqu’il est abattu dans le cadre d’une mystérieuse fusillade.
On a parlé de dispute familiale. Mais les nièces du champion, présentes dans la maison le jour du drame, réfutent cette explication. El Ouafi a peut-être été victime d’une attaque du FLN (Front de libération nationale). Nous sommes en pleine guerre d’Algérie. Le FLN lève un impôt révolutionnaire et s’en prend parfois à ceux qui refusent de payer. C’est peu crédible là encore. El Ouafi était pauvre et menait une vie recluse et oubliée de tous.
L’origine de la fusillade pourrait se trouver dans ce que l’on a appelé « la guerre des cafés », c’est-à-dire la lutte sans merci que se livrèrent le FLN et le MNA (Mouvement national algérien) pour prendre la tête du combat indépendantiste en France. Il aurait alors été victime d’une balle « perdue ».
Un parcours raconté en bande dessinée
La vie de El Ouafi Boughéra vient d’être joliment racontée dans un album de bande dessinée de Nicolas Debon intitulé Marathon (éd. Dargaux, 2020). Son auteur fait d’ailleurs l’objet d’une interview dans le Zatopek Magazine actuellement en kiosque. Et pour fêter Noël, l’équipe du magazine Zatopek vous propose de gagner un exemplaire de cette BD. Pour participer, il suffit d’envoyer un mail à l’adresse anouk@zatopekmagazine.com avec votre nom, votre prénom et votre adresse. Le gagnant sera tiré au sort parmi les participants et nous lui enverrons la BD.

Anouk Ramaekers (« Zatopek Magazine ») © D.R.