Il semble bien que les rapports entre l’Algérie et l’Espagne ne seront point au beau fixe. Pire, la tension est vive et la brouille devrait encore se poursuivre pour longtemps entre les deux pays méditerranéens
Après le rappel de l’ambassadeur d’Algérie de la capitale madrilène et une éventuelle révision des accords commerciaux entre les deux pays, notamment celui du gaz, voilà que des sources officielles algériennes évoquent d’autres mesures.
En plus de la suspension du rapatriement de migrants algériens clandestins détenus en Espagne, il est également question d’interdire les liaisons aériennes qu’effectuent actuellement la compagnie espagnole Iberia entre Madrid et Alger, en attendant certainement une limitation des rotations des navires qui font la navette entre Oran et Alicante notamment.
Il faut souligner que c’est la première fois depuis cinquante ans, soit depuis 1970 sous le règne du dictateur Franco, qu’il n’y aura plus de liaison aérienne entre les deux pays, car Air Algérie ne desserve plus depuis le début de la pandémie l’Espagne. Le rapatriement des migrants irréguliers se fait uniquement par bateau, deux fois par semaine d’Alicante à Oran, mais en haute saison, une navette est rajoutée entre Alméria et Ghazaouet. Une périodicité signée dans un accord par les deux gouvernements, mais qui n’a pas toujours été respectée, pour différentes raisons.
Plusieurs médias et sites électroniques ont rapporté ce mercredi que les autorités algériennes ont décidé de suspendre « sine die » tous les rapatriements d’immigrants irréguliers arrivant en Espagne depuis ses côtes, selon des sources officielles algériennes. Aucune confirmation du ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales, en charge généralement de ce dossier, ne nous est parvenue, en dépit de nos tentatives de les joindre.
Selon certains chiffres, l’an dernier, 11 335 Algériens, 13 218 marocains et 15 106 subsahariens ( maliens, burkinabes et nigériens en majorité) ont débarqué sur les côtes espagnoles.
Selon les observateurs, cette décision est une conséquence de ce qu’ils considèrent à Alger comme l’alignement de Pedro Sanchez sur les thèses marocaines dans le conflit du Sahara occidental.
L’annulation des rapatriements fait partie de ce que les autorités algériennes qualifient de réponse “globale” et “multiforme a plusieurs niveaux” qu’elles veulent apporter au soutien exprimé par le chef de l’exécutif ibérique à la proposition d’autonomie marocaine pour régler le différend sur le Sahara occidental, qui fut colonie espagnole jusqu’en 1975.
Pour rappel, c’est le roi Mohamed VI du Maroc qui a révélé, le 18 mars dernier, avoir reçu une lettre du chef du gouvernement espagnol apportant son soutien à cette solution prônée par Rabat depuis 2007.
Contrairement a l’Algérie, les rapatriements avec le Maroc, pratiquement a l’arrêt depuis mars 2021, vont désormais être réactivés. Pendant quatre mois, entre décembre 2020 et mars de l’an dernier, Rabat n’a autorisé leur transport par avion des îles Canaries à El Ayoun, la capitale du Sahara occupé, qu’a raison de 80 par semaine. Comme dans le cas de l’Algérie, les expulsions sont bien inférieures aux arrivées, mais aux yeux de l’Intérieur elles sont d’une grande importance car, révélées, elles dissuadent d’autres jeunes d’émigrer clandestinement en barque.
En Espagne, les critiques contre le gouvernement espagnol fusent de partout. Les diplomates et autres hommes politiques fustigent le revirement espagnol et estiment que cela s’est produit sans aucune compensation majeure, ni aucun avantage dans l’intérêt stratégique de l’Espagne. Bien plus que cela, ce revirement spectaculaire a non seulement affaibli Madrid en acceptant les chantages du Makhzen et les pressions du lobby qui règne au sein de l’Union européenne, mais a généré un nouveau différend et crée une tension avec l’Algérie, l’autre voisin de la rive sud.
Par Mohamed Kouini / jeune-independant