En France, les médecins diplômés hors de l’Union européenne, principalement Algériens, doivent entreprendre “un vrai parcours du combattant” pour pouvoir exercer leur métier dans les mêmes conditions que leurs confrères diplômés en Europe.
“J’ai maintes fois pensé abandonner”: entre “examens ultra sélectifs” et “aberrations administratives”, les médecins diplômés hors de l’Union européenne, notamment les Algériens dont 1200 d’entre eux ont réussi en février dernier les épreuves de vérifications des connaissances (EVC) en France, doivent entreprendre “un vrai parcours du combattant” pour pouvoir exercer leur métier en France dans les mêmes conditions que leurs confrères diplômés en Europe.
“J’opère plus de 400 personnes par an, je forme des internes, je suis membre de dix sociétés savantes, je participe a des congrès internationaux. Et malgré cela, j’ai toujours un contrat précaire”, raconte un spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie. “C’est une hypocrisie”, ajoute ce médecin algérien (qui a requis l’anonymat, comme tous ses collègues interrogés par l’AFP).
Près de 5.000 praticiens diplômés hors de l’Union européenne (Padhue) exercent dans des hôpitaux publics français, comme non-titulaires, avec des salaires inférieurs aux praticiens européens.
En 2017, a l’issue de ses études de médecine, le chirurgien est arrivé en France. Après avoir exercé en “faisant fonction d’interne, mais sans le salaire”, il part aux Antilles “pour deux ans et trois vagues Covid”.
A son retour en Métropole, il peut bénéficier d’un nouveau dispositif de la loi Buzyn de 2019, transitoire, qui permet aux Padhue justifiant de deux ans d’exercice en France de régulariser leur situation.
Le médecin dépose un dossier en mai 2021 et obtient une “autorisation provisoire d’exercice valable jusqu’au 31 décembre 2022”. Mais depuis, “ça traîne, ça traîne”, raconte-t-il. Et pour après, c’est “le flou le plus total”.
Elle est psychiatre, sénégalaise, et a elle aussi déposé une demande. Malgré 12 années d’étude dans son pays (en médecine générale puis en psychiatrie), une formation complémentaire en pédopsychiatrie, “une dizaine de diplômes universitaires” obtenus en France, la commission nationale n’a pas voulu lui accorder d’autorisation d’exercice et lui a demandé de nouvelles études.
“Des médecins a bas prix”
“Je suis cheffe de service, directrice d’un centre dédié a la prise en charge des enfants, j’enseigne a la fac, je publie des articles dans des revues scientifiques”, énumère-t-elle. “J’ai l’impression qu’ils n’ont pas lu mon dossier”, se désole la spécialiste. “Ils veulent garder des médecins a bas prix”.
A la sortie de la première vague du Covid au printemps 2020, plusieurs figures du monde médical en France (Mathias Wargon, Bernard Kouchner, Michel Cymes etc.) avaient plaidé pour une meilleure considération de ces médecins a diplôme étranger, a rapporté France 24 citant l’AFP. Ils méritent “la reconnaissance de la République pour leur engagement en première ligne, alors que leur salaire est souvent dérisoire par rapport a ceux de leurs collègues”, écrivaient-ils.
Des médecins diplômés hors Union européenne se sont rassemblés début juin devant le ministère de la Santé a Paris a l’appel de leur syndicat (le SNPADHUE), pour rappeler au gouvernement qu’ils “n’avaient que trop attendu les validations de leur autorisation d’exercice en France”.
“Il y a beaucoup d’aberrations administratives. Beaucoup de dossiers a étudier et pas beaucoup de monde pour le faire”, explique un médecin d’origine haïtienne, naturalisé français. “Etre traité comme les médecins européens m’aura pris des années”, raconte-t-il.
En 2016, son diplôme de médecine générale en poche (obtenu en République Dominicaine), il traverse l’océan Atlantique pour rejoindre sa femme et sa fille françaises. Il ne peut pas exercer en tant que généraliste, enchaîne les postes d’infirmiers en Ehpad puis une formation de médecin gériatre. Pour finalement décrocher le Graal en 2021: une autorisation d’exercer via le concours de la “Procédure d’autorisation d’exercice” (PAE), “un examen ultra sélectif”.
Mais depuis, il attend toujours son affectation pour débuter son parcours obligatoire de consolidation des compétences de deux ans. Et devenir praticien contractuel. “La France manque beaucoup de médecins mais on ne fait rien pour simplifier notre situation”, constate-t-il.
Départ des médecins pour la France: première réaction officielle de Benbouzid
Le ministre de le Santé Abderrahmane Benbouzid s’est prononcé sur le sujet des 1200 médecins algériens qui s’apprêtent a partir en France, soutenant que cela s’explique par de multiples raisons.
Le ministre a souligné que des dizaines de médecins -agés entre 50 et 60 ans- n’ont pas obtenu leur chance d’exercer en raison du sureffectif des hôpitaux algériens.
Outre cette raison, Benbouzid en a évoqué d’autres, dont des motivations personnelles et familiales poussant les médecins a partir, ajoutant que certains souhaitent vivre ailleurs et que bon nombre d’entre eux résident en vérité en France et pas en Algérie.
Par ailleurs, il a admis qu’il existe d’autres raisons et d’autres lectures sur lesquelles il ne voulait pas s’attarder, et ce non sans regretter ces départs.
A ce titre, il a annoncé que 2009 médecins ont demandé l’équivalence de leur diplôme, affirmant qu’ils seront des meilleurs ambassadeurs de l’Algérie a l’étranger.
Exode des médecins vers la France..Un membre du Comité scientifique réagit
Le professeur Riyad Mahyaoui, membre du Comité scientifique de suivi de l’évolution du Coronavirus (Covid-19) a indiqué dimanche que l’affaire de départ de 1200 médecins algériens vers la France n’est pas nouveau.
Selon lui, il faut absolument étudier ce phénomène sous tous ses aspects et ne pas l’expliquer uniquement par la situation du secteur de la Santé car il en existe, a ses yeux, d’autres éléments, a savoir entre autres les choix personnels et professionnels.
Intervenant sur les ondes de la Chaîne I de la Radio algérienne, Pr Mahyaoui a soutenu que la question qu’il faut poser a ce sujet c’est de savoir pourquoi ces médecins ne sont pas restés en Algérie?
“Moi personnellement et d’autres avons effectué des stages dans plusieurs pays mais nous sommes revenus travailler en Algérie”, a-t-il révélé.
L’interlocuteur a souligné également qu’il connaissait près de 80% de ces médecins en question pour les avoir encadrés, estimant que les causes les poussant a quitter le pays sont multiples.
Pr Belhadj: Des femmes de ménage mieux rémunérées que les médecins généralistes
Le professeur Rachid Belhadj, directeur des Activités médicales et paramédicales au CHU Mustapha Pacha a indiqué que la situation économique et la détérioration des salaires étaient les principales raisons ayant poussé les 1200 médecins algériens a quitter le pays pour la France.
Dans une interview a la Chaîne III de la Radio algérienne, Pr Belhadj a attribué l’exode massif des médecins a “la situation économique et au salaire actuel qui ne permet pas au médecin d’avoir un logement a son nom ou un véhicule neuf”.
L’interlocuteur a soutenu qu’”il est inadmissible qu’on puisse payer un professeur en médecine après 20 ans d’exercice a 1200 ou 1500 euros (soit 24 millions ou 30 millions de centimes)”.
Et le professeur d’enfoncer le clou: “Avec tout mon respect a certains corps, je dois dire que des femmes de ménage dans certaines sociétés touchent un salaire équivalent, voire supérieur a celui des médecins généralistes”.
A cet égard, Belhadj a tenu a rappeler que le départ organisé des médecins a l’étranger ne date pas d’aujourd’hui, mais c’est un phénomène qui existe depuis très longtemps dans ce secteur ô combien sensible, soulignant qu’il ne touche pas seulement les médecins mais aussi les paramédicaux.
“L’Etat est tenu de revoir la politique salariale vis-a-vis des conditions de travail et de les protéger pour que les gens puissent rester ici et s’épanouir”, a-t-il insisté.
1200 médecins algériens s’apprêtent a rejoindre les hôpitaux français
Le président du Syndicat national des professionnels de santé publique (SNPSP), Lyes Merabet a révélé que 1200 médecins algériens ont réussi les épreuves de vérifications des connaissances (EVC) en France.
Lyes Merabet a indiqué, sur sa page facebook, que près de 1200 médecins algériens –toutes spécialités confondues- s’apprêtent a quitter le pays pour aller travailler dans des hôpitaux français après avoir réussi les épreuves (EVC).
La page médecins sur les réseaux sociaux a précisé que ces épreuves constituent une porte principale pour les médecins hors Union européenne (UE) désireux d’exercer dans l’Hexagone. Cet examen est organisé périodiquement au profit des médecins diplômés issus des pays hors-UE (les diplômes des médecins de la zone sont admis d’office).
Selon toujours cette page, des milliers de médecins originaires de 24 pays hors-UE ont participé a ces épreuves. Environ 2000 candidats les ont réussi, dont plus de 1200 sont de nationalité algérienne, suivis des Tunisiens, des Marocains…
Le (CNG) Centre national de gestion des praticiens hospitaliers a indiqué que les résultats des épreuves de vérification de connaissances (EVC) sont accessibles sur le site a la fin de l’après-midi du vendredi 4 février 2022, ajoutant que les relevés de note et les copies seront accessibles samedi 5 février 2022 a 13 heures.
Echoroukonline