L’Organisation spéciale : Une école et des hommes

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Plus qu’un signe annonciateur, la création de l’Organisation spéciale fut, indéniablement, le premier acte de la lutte armée algérienne contre le colonialisme français. Ceci pour au moins deux raisons : d’abord, parce qu’elle avait pour objectif de préparer les militants pour l’action armée, et puis, surtout parce que les promoteurs de la Révolution ont tous fait l’école de l’OS. N’empêche que l’histoire de cette formidable épopée qui, officiellement, prit fin dès le démantèlement, en 1950, de ses structures et l’arrestation de ses cadres, demeure quelque peu marginalisée par l’historiographie, qui ne mesure pas toute sa portée historique.

Cette idée de mettre en place une branche paramilitaire du MTLD, en pleine effervescence électorale, n’est pas née du hasard. Lassés par l’électoralisme et les jeux politiciens, mais dont la voix était néanmoins étouffée par une direction trop rigide, les jeunes militants nationalistes avaient trouvé dans les massacres de Sétif, Kherrata et Guelma du 8 mais 1945 l’opportunité de se mettre au-devant de la scène et de renforcer leur position auprès de la base militante et du mouvement national en général.

La création du MTLD en 1946, conçue au départ pour être la vitrine légale du PPA, dissous par les autorités coloniales en 1939, en acceptant de participer aux élections, va paradoxalement servir de tremplin pour propulser les plus radicaux – ou ce qu’on appelait « les activistes » – et mettre en avant l’option de l’insurrection. Preuve en est que plusieurs députés et élus du parti, à l’image de Mohamed Khider, eurent une part active dans la création et le renforcement de l’OS. Ce sont ces militants qui, au Comité central de Zeddine en 1947, réussirent, malgré les tergiversations et les réticences de certains dirigeants influents, à donner la priorité à la lutte armée, par la création d’une organisation armée.

Le PPA/MTLD donna vite la preuve qu’il s’accommodait bien d’une double vocation, d’une double lutte : la lutte politique, pacifique et légaliste, à travers une organisation politique, le MTLD, et une lutte clandestine, à travers un bras armé dont la mission était de former des militants et de préparer le terrain pour des actions de guérilla. L’annonce de la mise en place de l’Organisation spéciale, durant 1947, fut largement saluée par les militants engagés, à la suite du scandale des élections truquées par l’administration coloniale. Cette première grosse désillusion va non seulement conforter dans leur thèse les plus radicaux au sein du mouvement nationaliste, lesquels avaient déjà, en fait, pour une bonne partie, pris leurs distances par rapport à la direction, mais va encore discréditer davantage cette dernière auprès de la population et l’isoler sur la scène nationaliste algérienne, à une époque où les initiatives politiques venant des Udmistes notamment se multipliaient et gagnaient en crédibilité.

Une aubaine pour le premier noyau qui dirigea l’organisation, à l’image de Ben Bella, Belouizdad, Aït Ahmed ou Boudiaf, qui n’avaient déjà plus aucun espoir dans une décantation politique à l’intérieur du parti, en proie à de profonds déchirements. Profitant de cette situation, les cadres de l’OS décident de reprendre l’initiative en intensifiant leur action et en élargissant les recrutements. Ce groupe fera parler de lui lors de la célèbre attaque de la poste d’Oran qui, avec des militants engagés comme Hamou Boutlilis, Souidani Boudjemaâ et d’autres moins médiatisés, a, en plus d’avoir rapporté à l’organisation un butin de 3,17 millions de francs, pour la première fois déstabilisé le pouvoir colonial.

A cette époque (fin 1947 jusqu’à l’été 1949), l’OS était à sa deuxième phase organique, avec un état-major composé de six membres, à savoir : Hocine Aït Ahmed, chef d’état-major, Abdelkader Belhadj Djilali, chargé de l’instruction militaire et de l’inspection générale, Ahmed Ben Bella, responsable du département d’Oran, Mohamed Maroc, responsable du département d’Alger II (Chlef, Dahra), Djilali Reguini, responsable du département d’Alger I (Alger, Mitidja, Titteri, Kabylie), et enfin Mohammed Boudiaf, responsable du département de Constantine.

De l’été 1949 à mai 1950, Aït Ahmed quitte la direction de l’OS, pour une mission en Egypte, et c’est Ahmed Ben Bella qui en prendra les destinées en tant que chef d’état-major. Sous sa coupe, on trouve : Mohamed Yousfi, responsable des services généraux, artificiers et transmissions, Abdelkader Belhadj Djilali, chargé de l’instruction militaire et de l’inspection générale, Abderrahmane Bensaïd, responsable du département d’Oran, Ahmed Mahsas, responsable du département d’Alger II (Chlef, Dahra), Djilali Reguini, responsable du département d’Alger I (Alger, Mitidja, Titteri, Kabylie) et enfin Mohamed Boudiaf, responsable du département de Constantine avec comme adjoint Mohamed-Larbi Ben M’hidi. Une véritable organisation se mettait alors en place, avec un organigramme qui préfigurait, en fait, celui de l’état-major du FLN/ALN qui dirigera l’insurrection armée quelques années plus tard.

L’action de l’OS aurait pu rapidement aboutir à une forme plus mûre et plus élaborée de la lutte révolutionnaire, si les autorités coloniales n’avaient pas réussi à démanteler ses structures et à arrêter ses principaux responsables et des centaines des militants.

Plusieurs membres dirigeants de l’organisation ont été jugés et condamnés par contumace pour leur implication dans différents attentats. Certains, comme Ben Bella, furent arrêté. Au lieu de songer à restructurer l’organisation, la direction du MTLD s’empresse d’annoncer sa dissolution et, plus grave encore, ne s’est pas montrée solidaire avec les militants arrêtés ou pourchassés par la police coloniale. «Ils étaient enfin soulagés de s’être débarrassés de ces militants encombrants», a déclaré l’un d’entre eux, déçu par cette attitude. C’est là une autre raison qui poussera ces activistes à rompre définitivement avec le parti ou, du moins, à se tenir momentanément à l’écart des dissensions qui opposaient les deux clans antagonistes, centralistes et messalistes, au sein du MTLD.

IN MEMORIA / lapatrienews

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