Tizi Ouzou Une solidarité agissante

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lexpressiondz / Kamel BOUDJADI

De timechret aux restaurants de la Rahma, l’aide aux nécessiteux prend des formes diverses.

Nombreux sont les villages qui s’organisent à la veille du mois sacré de Ramadhan pour des actions diverses. Dynamiques et surtout conscients de l’importance de promouvoir le vivre-ensemble, les citoyens adhèrent massivement aux initiatives menées essentiellement par des jeunes volontaires inspirés des traditions ancestrales. Elles sont nombreuses et diverses, les actions lancées à travers de nombreuses localités de la wilaya de Tizi-Ouzou.

On y constate des actions de bienfaisance en direction des plus démunis, des actions de solidarité collective qui se multiplient, et également des célébrations de traditions dont l’origine remonte à la nuit des temps, mais qui renaissent de leurs cendres jour après jour. Un dynamisme qui donne de grands espoirs dans la perspective d’une organisation forte de la société civile. Un dynamisme appelé, d’ailleurs, à ne pas rester confiné dans la célébration et l’action à petite échelle, mais qui doit s’étendre vers le développement de tous les secteurs dont notamment le secteur économique.

Timechret ou l’art du partage
C’est une tradition ancestrale célébrée généralement à l’automne ou comme on dit dans la région, aux portes de l’année (Thiboura n ouseggas), mais, exceptionnellement, cette tradition de partage et de solidarité apparaît lors des conjonctures difficiles durant lesquelles beaucoup de familles sont en difficulté. Aussi, ces derniers jours, beaucoup de villages organisent, généralement durant le week-end, ce genre d’action. C’est le cas à Ath Ouareth, village situé dans la commune de Sidi Naâmane, une quinzaine de kilomètres au nord-ouest du chef-lieu de wilaya. Les villageois ont organisé, vendredi dernier, ce rituel de partage de la viande dans une belle ambiance. Plusieurs boeufs ont été égorgés. Toutes les familles ont eu leur part de viande à consommer durant le mois de Ramadhan. «Outre la quête parmi les villageois, des donateurs ont pris en charge l’essentiel du coût de l’achat des boeufs. Tout le monde aura sa part de viande y compris ceux qui n’ont pas cotisé»,explique un jeune organisateur. Le rituel est préparé comme à l’accoutumée. Tôt dans la matinée, les villageois se retrouvent à la place du village. Les organisateurs, généralement des jeunes, sont déjà prêts à commencer le travail. Les bêtes égorgées, d’autres se mettent au dépeçage.

Avant midi, la viande était déjà disposée en parties égales et comptées selon le nombre de familles habitant le village. «Pauvres, riches, orphelins, étrangers, pourvu qu’ils déclarent habiter en famille à Ath Ouareth. Tout le monde prend sa part» explique un autre organisateur. Au même moment, le même rituel se tenait au village Takharadjit dans la commune d’Ouadhias, sur le versant sud de la wilaya. Les citoyens de ce village ont décidé d’organiser timechret exceptionnellement à la veille du mois de Ramadhan pour doter toutes les familles de viande en ce mois sacré. «On mange tous ou on s’abstient tous. Dans les villages,on ne peut manger de la viande alors que son voisin n’en a pas. Nos ancêtres ont toujours été solidaires et on doit continuer sur cette voie», explique une personne âgée du village jointe au téléphone.

Une cinquantaine de restaurants Rahma ouverts
À Tizi Ouzou-ville, notamment au quartier Krim-Belkacem, les jeunes organisent des dîners collectifs pour les démunis et les voyageurs. Selon les jeunes organisateurs, quelque 370 personnes ont rompu le jeûne sur les tables disposées dans le quartier. Sur place, ll’ambiance est de mise. Les gens se sentent très à l’aise avec des plats très riches. Il faut dire, comme l’ont d’ailleurs signalé les organisateurs, que les gens répondent favorablement à ces actions en contribuant par tous les moyens disponibles à ce genre d’actions. Une table géante longue de plusieurs dizaines de mètres est disposée dans le quartier. Au moment de l’appel à la prière, les chaises sont déjà toutes occupées par les premiers arrivants. «Mettez-vous à l’aise, il y a tout ce qu’il faut. Saha Ftourkoum» affirme Si Messaoud, un organisateur pour souhaiter la bienvenue aux présents. La discussion s’anime.

Notre interlocuteur lancera un appel à toutes les personnes qui voyagent à venir rompre le jeûne au quartier Krim -Belkacem et aussi aux donateurs qui peuvent prendre attache avec les organisateurs pour participer à ces actions de bienfaisance. Parallèlement, d’autres quartiers de la ville de Tizi Ouzou et des chefs-lieux des plus importantes villes comme Draâ Ben Khedda ont ouvert des restaurants Rahma grâce aux dons des citoyens. Au premier jour de Ramadhan, ces restaurants sont au nombre de 47 en tout et ils sont appelés à devenir plus nombreux. Ces lieux, destinés aux plus démunis et surtout aux voyageurs et aux travailleurs qui, ne pouvant rompre le jeûne avec leurs familles, sont pris en charge par des bénévoles qui sacrifient ces moments de bien-être avec leurs enfants pour se consacrer aux personnes dans le besoin.

Des volontaires difficiles à compter tellement ils sont très nombreux. Dans de nombreux restaurants que nous avons visités au premier jour, de nombreux organisateurs ont émis le voeu de garder cette volonté pour l’ouverture de quelques restaurants tout le long de l’année parce qu’il y a des nécessiteux tous les jours pas uniquement durant le mois de Ramadhan. «Des restaurants comme ça, même moins nombreux, doivent exister en dehors du mois de jeûne. Il y a toujours des personnes dans le besoin et la bienfaisance doit toujours être là. Pas seulement durant le mois de Ramadhan. À Tizi Ouzou, elles sont nombreuses ces personnes qui viennent pour des soins à l’hôpital, des personnes retenues par le voyage et plein d’autres démunies. Il faut faire le bien toute l’année pas uniquement durant le mois de Ramadhan. Mais, il faut toujours saluer les bonnes actions, même celles qui ne durent que quelques minutes»,affirme, Sadi, enseignant dans un collège de la ville des Genêts.

De la solidarité ancestrale, mais aussi des fêtes ancestrales
La solidarité ancestrale de ces derniers jours s’accompagne de rituels ancestraux, de bonne humeur et de partage de joie. Un partage dans toutes ses déclinaisons. En effet, quelques jours avant le mois de Ramadhan, les villages de la wilaya de Tizi Ouzou ont aussi été nombreux à fêter,comme les ancêtres, l’arrivée du printemps. On appelle ce traditionnel rituel «Amagueur n tefsouth» ou la rencontre du printemps. Une fête célébrée le 28 février de chaque année, date qui coïncide avec le premier jour du printemps dans le calendrier amazigh. Disparu dans le brouillard des apports des autres «civilisations», le traditionnel rituel renaît de ses cendres ces dernières années. Beaucoup de villages le célèbrent désormais et ils sont de plus en plus nombreux à le faire.

Vendredi dernier, même un peu en retard, le village Tarihant a passé une belle matinée, haute en couleur, avec Amagueur N tefsouth. Tôt dans la matinée, tous les villageois se retrouvent à la place du village. Hommes, femmes, enfants et vieux sont là, prêts pour la grande balade en familles dans les champs. Direction: Azaghar, des champs situés à quelques kilomètres en bas du village. «Nous irons à Azaghar, cueillir des fleurs et exprimer la bienvenue au printemps comme le faisaient nos ancêtres, il y a des centaines de siècles. Le printemps, pour les Berbères, signifie le retour de la vie après une longue hibernation. C’est aussi le signal de l’approche de la période de la récolte des céréales à lauelle il faut s’apprêter», explique un vieux du village en burnous.

Sur place, les enfants jouent au milieu des fleurs de toutes les couleurs tandis que les vieilles personnes apprenaient aux jeunes les techniques de greffage d’oliviers et pour les filles les techniques de cuisson de plats traditionnels. C’est d’ailleurs l’occasion de goûter à ces anciens mets faits exclusivement de dons de cette nature vivante et vivifiante. «On cuisine tout sur place ici au feu de bois et on mange ensemble à midi avant de rentrer», explique une vieille femme entourée de jeunes filles. Par ailleurs, la renaissance de ce rituel ancestral s’accompagne d’un programme culturel riche au niveau de la maison de jeunes du village. Des expositions de mets traditionnels, de vêtements et d’articles d’artisanat se sont tenues le même jour.De nombreuses associations venues des communes voisines ont pris part à cette fête qui remet en place tous les maillons de la chaîne temporelle.

lexpressiondz / Kamel BOUDJADI

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