Trois questions sur le burkini dans les piscines municipales à Patrice Spinosi, avocat au conseil d’État

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Alors que la polémique enfle à Grenoble, à quelques heures du vote en conseil municipal d’un nouveau règlement dans les piscines, qui pourrait autoriser le controversé burkini, l’avocat Patrice Spinosi rappelle que juridiquement, il ne peut être ni autorisé ni interdit au seul motif religieux.

Concrètement, de quoi parle-t-on ? Le burkini est un maillot de bain qui couvre une grande partie du corps, ne laissant en général visibles que les mains, les pieds et le visage (les cheveux sont voilés). Il en existe de nombreux modèles, certains avec une tunique par dessus un legging, d’autres d’une seule pièce, telle une combinaison.

Ce lundi 16 mai, le conseil municipal de Grenoble, à majorité écologiste, s’apprête à voter une modification du règlement des piscines municipales, qui autoriserait les femmes à se baigner avec le vêtement controversé (sauf les tuniques longues et évasées). Il y a quatre ans, Rennes avait déjà pris ce pas. Mais en Isère, la mesure ne passe pas auprès de l’opposition. Son leader, Alain Carignon, considère sur Europe 1 qu’il s’agit d’une « concession intolérable à l’islamisme politique ». Une pétition rassemblant plus de 1.800 signatures a dénoncé « une attaque indirecte contre l’égalité femmes-hommes » et le président (LR) de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez a menacé de priver la ville de subventions régionales, si ce thème n’était pas retiré de l’ordre du jour du conseil.

Concrètement, que dit la loi sur ce sujet ? Peut-on réellement autoriser ou interdire le burkini ? Réponse avec Patrice Spinosi, avocat au Conseil d’Etat, spécialiste des libertés publiques et qui avait plaidé en 2016, pour l’annulation des arrêtés municipaux interdisant le burkini sur les plages du Sud de la France.

FRANCE INTER : Concrètement, le burkini est-il autorisé ou interdit dans les piscines municipales en France ?

PATRICE SPINOSI : Depuis 2016, et la décision du Conseil d’État, il n’est pas possible d’interdire le burkini au seul motif de son aspect religieux. La seul chose qui puisse être faite dans une piscine municipale, c’est interdire des vêtements « type » burkini, non pas pour des raisons de laïcité, mais pour des raisons d’hygiène, dans le cadre d’un règlement intérieur. Il appartient aux différentes communes de décider, si oui ou non, pour chaque piscine, il faut ou pas interdire le port d’un vêtement couvrant comme une combinaison, ou un burkini. Ce qui est certain, c’est qu’aujourd’hui dans la grande majorité des piscines municipales en France, il n’y a pas d’interdiction en tant que tel du port de vêtements comme des combinaisons de nage. Dans ces conditions, on doit penser que le burkini est implicitement autorisé.

Pourquoi le burkini ne peut-il pas être interdit seulement pour un motif religieux ?

C’est le principe très clair posé par le Conseil d’Etat en 2016 : il n’y a pas de problème de laïcité. Il est tout à fait possible dans un lieu public, y compris la piscine municipale, de porter des signes distinctifs religieux, à l’exception d’éléments de prosélytisme.* La polémique n’est donc pas sur une question de laïcité, elle est uniquement sur une question d’hygiène. Il est très clair que toute commune qui voudrait interdire le port du burkini ou d’un signe religieux dans l’espace public prendrait le risque de voir son arrêté immédiatement sanctionné par le juge administratif. C’est le sens de la jurisprudence très claire posée par le Conseil d’Etat dans ces affaires du burkini, sur les plages du sud de la France (le Conseil d’Etat a annulé certains arrêtés municipaux interdisant le burkini, NDLR).

Le fait que Rennes et Grenoble modifient leur règlement et autorisent certains burkinis peut-il créer un précédent ?

Si Rennes ou Grenoble reconnaissent expressément la possibilité de porter des vêtements couvrant dans une piscine, c’est tout à fait possible. Après, il peut y avoir des recours formés devant le juge administratif par les personnes qui y verraient une difficulté juridique. Mais a priori, cela ne va pas à l’encontre du sens de la jurisprudence. A partir du moment où la piscine démontre, dans son règlement intérieur, que le port de ce type de vêtement couvrant ne présente pas de risque pour la salubrité publique, il n’y a aucune raison pour qu’il y ait une quelconque interdiction de ce type de vêtement.

Franceinter

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